HISTORIQUE

Les voyageurs du XIXe siècle qui parcoururent le Sahara et plus largement l’Afrique du Nord furent immédiatement fascinés par le patrimoine rupestre de ces régions.  Ils en pressentirent l’ancienneté bien avant que la notion de Préhistoire ne soit admise par tous. Tous ceux qui leur ont succédé jusqu’à nos jours n’ont eu cesse d’enrichir la documentation et d’étudier ces peintures et ces gravures afin d’éclairer notre passé.  Découvrez celles et ceux qui firent l’histoire de la recherche archéologique saharienne et plus particulièrement rupestre! 

1847 - En l'état actuel des connaissances bibliographiques, le Sud-Oranais (Algérie) est la première région de l’Afrique du Nord à être mentionnée pour ses œuvres rupestres: le Dr Félix Jacquot publia le relevé de l'une des gravures du site de Thyout dans le journal L'Illustration en 1847. Depuis, le site a subi de nombreuses dégradations: gravures rubriquées à la craie et/ou repeintes comme ci-dessus, ajout de graffiti.

1847
1850

1850 - Trois ans plus tard, le voyageur allemand Heinrich Barth est sans doute le premier européen à contempler les gravures de l'oued Telizzâγen, au Mesāk (Libye). À l'heure où le Français Jacques Boucher de Perthes essayait de convaincre ses pairs de la réalité d'une "pré-histoire", Barth analyse avec beaucoup de pertinence ces vestiges, déduisant, à partir des gravures de bovins, l'existence passée de climats sahariens plus cléments. Ses remarques sur le style, le caractère potentiellement mythique des images, les relations possibles avec d'autres cultures et d'autres types d'artefacts sont de même toujours d'actualité. En comparaison, les œuvres rupestres australiennes ne seront étudiées qu'à partir des années 1880, et l'ancienneté des peintures et gravures pariétales de la zone franco-cantabrique ne sera reconnue qu'en 1902!

1900-1950 - Dès les premières décennies du XXe siècle, les massifs rocheux sahariens livrent peu à peu la richesse de leurs vestiges rupestres. De nombreux voyageurs et chercheurs restent associés à cette période: Georges-Barthélémy Médéric Flamand, Conrad Kilian, Théodore Monod, Odette du Puigaudeau et Marion Senones, Maurice Reygasse, Raymond Vaufrey, Paolo Graziosi, Léo Frobenius, Martín Almagro-Basch, Henry Munson, François de Chasseloup-Laubat, László Almásy, Hans Winkler… Pour le Sahara central, les signalements d'œuvres rupestres sont le plus souvent dus aux méharistes français. Le plus célèbre d'entre eux pour cela est le lieutenant Charles Brenans. Il révèlera les peintures et surtout les milliers de gravures de l'oued Djerat, dans le nord de la Tasīli-n-Ăjjer, puis les merveilles qui ornent les abris-sous-roches du plateau du Medak, à l'est de Djanet. Sans oublier bien sûr le rôle essentiel des Touaregs qui ont guidés militaires et scientifiques, leur ont permis de survivre dans le désert et leur ont souvent montré les sites rupestres. Pour l'Ăjjer, le plus connu d'entre eux reste Jebrin Machar Ag Mohamed.

Années 1900-1950
1950-1970

1950-1970 - Après avoir guidé Brenans, Jebrin Machar Ag Mohamed emmène Yolantha Tschudi puis Henri Lhote à la découverte des sites rupestres du plateau à l'est de Djanet.Celui-ci organise entre 1956 et 1970 cinq missions d'inventaire pour relever les peintures et les gravures rupestres, sous l'égide d'abord du Musée de l'Homme, puis du Ministère algérien de la Culture.Les résultats de la première mission donneront lieu à la fameuse exposition du Pavillon de Marsan à Paris (novembre 1957- janvier 1958, avec 200 relevés exposés) qui apportera à Lhote une reconnaissance internationale et la gloire, et déclenchera un engouement pour les œuvres rupestres tassiliennes. Ce qui éclipsera durablement le patrimoine des autres régions nord-africaines où prospections et études se poursuivent pourtant avec Fabrizio Mori en Ăkukas et Paolo Graziosi au Fezzan (Libye), Paul Huard et Gérard Bailloud au Tchad, Jean Malhomme et André Glory au Maroc, Raymond Mauny en Mauritanie…

1970-1990 - Chaque pays nord-africain institutionnalise la recherche archéologique et développe les filières universitaires qui s'y rapportent. Par ailleurs, le Sahara attire de plus en plus les touristes avides de grands espaces, dont les amateurs d'art rupestre qui alimentent les inventaires de leurs observations. En parallèle, Alfred Muzzolini, géologue passionné d'art rupestre, produit une réflexion conceptuelle et méthodologique approfondie pour remettre en cause les pesanteurs qui bloquent l'avancée des connaissances. Au Maroc, André Simonneau et Richard Wolff enrichissent le corpus des gravures, Martín Almagro-Basch et Jean Leclant font de même en Égypte.

1970-1990
1990 à nos jours

1990 à nos jours - Avec la naissance de l'Association des Amis de l'Art Rupestre Saharien et des revues annuelles Sahara et les Cahiers de l'AARS, la contribution des voyageurs donne un nouvel élan à la connaissance des arts rupestres sahariens. Jean-Loïc Le Quellec, tout en renforçant et élargissant la réflexion théorique et conceptuelle d'Alfred Muzzolini, a montré la voie pour de nouvelles approches méthodologiques et l'usage d'outils novateurs. Ainsi, il démontra très tôt le potentiel des logiciels d'amélioration d'images pour les corpus rupestres sahariens: ces produits de la technologie numérique ont révolutionné les procédés de documentation et d'étude de ceux-ci. Par ailleurs, comme le montrent les travaux de Yves et Christine Gauthier, l'analyse des images satellitaires a permis d'augmenter de manière exponentielle le nombre de vestiges qu'on peut y détecter, tels les monuments lithiques. Les  systèmes d'informations géographiques renouvellent les études aréologiques des œuvres rupestres sahariennes. Pourtant, l'inventaire de celles-ci demeure encore très incomplet, et la compréhension des sociétés qui les ont produites, trop limitée. De plus, en raison de la situation géopolitique dans l'ensemble de la zone saharo-sahélienne, la non-accessibilité de nombreux sites pénalise la recherche. Il importe donc encore plus, comme le propose l'AARS, de mettre en place des archives dédiées aux images rupestres nord-africaines afin de les sauvegarder et de les partager. Les nombreuses iconothèques qui dorment sur des étagères ou dans les mémoires d'ordinateur doivent pouvoir être mises à la disposition de tous.